Place aux enfants à Plainpalais : Un Terrain d’aventures éphémère a enchanté la plaine pendant l’été

                                          Lettre de la Fédération no 16 – octobre 2019

Du 15 juillet au 9 août dernier, une oasis de convivialité et d’aventures a émergé au milieu du « désert » de Plainpalais. Organisé à l’initiative du Collectif InteRob qui rassemble les animateur.trice.s des Jardins Robinson et Terrains d’aventures de Genève et Lausanne, cet espace de loisirs et d’expérimentation éphémère a rencontré un beau succès auprès des 6-12 ans, de leurs parents et plus largement des habitant.e.s du quartier.

Comment ce projet a-t-il vu le jour ? Quels étaient ses objectifs et quel en est le bilan ? Nous avons contacté Claudia Garcia, animatrice socioculturelle du Jardin Robinson d’Onex, l’une des deux coordinatrices du projet. Interview.

© Collectif InteRob

Comment est née l’idée de ce terrain éphémère ?

Le projet a été imaginé par le Collectif InteRob. Tous les deux à trois mois, nous nous réunissons entre professionnel.le.s des neuf Terrains d’aventures et Jardins Robinson de Genève et du Terrain d’aventures de Lausanne pour échanger sur nos pratiques. Dans la capitale vaudoise justement, nos collègues organisent depuis plus de 10 ans « Le Tunnel rêve de vert », un projet qui transforme la place du Tunnel en parc de quartier pendant la période estivale. La place [ndlr : qui le reste de l’année sert de parking] est aménagée pour devenir un lieu de rencontre et d’accueil ouvert au tout public. Occuper un espace nu en pleine ville et proposer gratuitement un accueil libre aux enfants, ce projet nous semblait pertinent aussi pour Genève. Nous avons posé les premières réflexions en avril 2015 et le projet « La Place aux Enfants » a vu le jour cet été.

Quels étaient les objectifs ? Pourquoi avoir choisi la plaine de Plainpalais ?

Nous voulions offrir à des enfants qui ne partent pas en vacances un espace de liberté et de jeu gratuit en plein cœur de la ville. Dans ce lieu encadré par une équipe d’animation professionnelle, nous voulions qu’ils puissent expérimenter et exprimer leur créativité, à travers les valeurs de l’accueil libre. Nous espérions aussi toucher les parents et habitant.e.s du quartier en organisant un repas canadien les vendredis soirs.

Nous avons choisi Plainpalais parce c’est un lieu central à Genève. Il est facilement accessible, il est connu et visible, et en plus, il est vierge ! La philosophie du projet, c’était de partir de rien pour faire émerger quelque chose et répondre aux besoins des habitant.e.s. Sur le principe, la Ville de Genève était d’accord. Mais elle s’est inquiétée de la chaleur et du manque d’ombre sur la plaine, et nous a proposé de développer le projet au parc des Bastions. Toutefois, il nous semblait que notre projet perdrait du sens aux Bastions : nous voulions vraiment partir de rien et toucher une population issue de la classe moyenne. Nous avons préféré Plainpalais.

Nous avons pris contact avec les centres et acteurs du quartier (FASe, les MQ des Acacias, de Plainpalais, de Chausse-Coq et de la Jonction, le skatepark, etc.) pour développer les réseaux, connaître l’offre d’animation et identifier les vides à combler. Nous avons ainsi constaté qu’à cette période de l’année, il y avait moins d’accueil car la plupart des centres sont fermés, et par ailleurs, que la plaine n’offrait aucune infrastructure pour les 6-12 ans.

Comment vous êtes-vous organisé.e.s au sein du collectif pour monter ce terrain d’aventures éphémère ?

De l’idée à l’ouverture du terrain éphémère, il nous a fallu quatre ans pour concrétiser le projet. Cela peut paraître long mais nous avons pris le temps de visiter l’expérience de Lausanne et nous avons monté le projet en parallèle de nos activités dans nos centres respectifs.

Un groupe de travail de quatre personnes s’est formé en 2015 pour discuter et définir le projet. Ensuite, nous l’avons présenté à la FASe et avons soumis une demande de financement au Fonds FACS en mai 2018. Nous avons reçu une réponse positive en août 2018.

Fin septembre 2018, nous avons mis en place une coordination que nous avons assurée à deux avec Muriel Waelti-Mehinto (animatrice au Terrain d’aventures de Lancy-Voirets) pour concrétiser le projet et le lancer.

Quelles activités ont été proposées sur la plaine ?

Au Terrain d’aventures éphémère, les enfants ont pu construire des cabanes, s’initier à la danse ou à l’impro, jouer au foot ou à des jeux de société. Nous avions aussi du matériel de créativité pour faire de la peinture, du modelage, des sculptures en papier mâché, etc. Tous les jours, nous leur avons offert le goûter.

Les parents n’étaient pas en reste car nous leur avions aménagé un coin détente où se poser pendant que leurs enfants jouaient. Au fur et à mesure, le terrain est devenu un « accueil libre famille » ! C’est très intéressant et les retours sont très positifs.

© Collectif InteRob

De quels soutiens avez-vous bénéficié ?

Le Fonds FACS a couvert les 240 heures de coordination, ainsi que les heures de technicien, de secrétaire-comptable, de moniteur.trice.s (entre 8 et 9) et de deux animateur.trice.s. Nous avons aussi reçu des fonds privés.

Du côté des centres, on nous a prêté du matériel et du mobilier, et la Ville de Genève nous a permis d’utiliser le terrain gratuitement. Nous avons aussi travaillé avec plusieurs de ses services. Par exemple, la Voirie et le service des espaces verts ont fourni l’eau et l’électricité et ont installé des containers ouverts sur la plaine pour que nous ayons de l’ombre.

La FASe nous a également donné un coup de main pour la communication en diffusant l’information dans les médias.

Quels défis avez-vous rencontrés pendant la saison ?

La météo ! Il a fait très chaud… Nous avons dû adapter les activités à la canicule et au vent. Pour lutter contre la chaleur, nous avons aménagé en cours de saison une piscine de bottes de paille et proposé des jeux d’eau.

Nous nous sommes également rendu compte que la plaine n’est pas aussi accessible que cela, à cause du trafic routier tout autour.

© Collectif InteRob

Quel bilan tirez-vous de cette expérience ?

Positif ! Toute l’équipe du projet est enthousiaste et veut renouveler le projet l’année prochaine. Et à Plainpalais ! Nous avons amené une réelle innovation au cœur de l’été genevois : nous sommes parti.e.s d’une page blanche sur un terrain nu pour offrir pendant un mois une animation gratuite, sans autre contrainte que celle du respect de l’autre et du lieu. Nous avons créé en pleine ville un lieu hors du temps, un espace de jeu et de découvertes pour les enfants et de tranquillité pour les parents.

La fréquentation a été bonne : entre 35 et 65 enfants par jour (sauf pendant la semaine de canicule), principalement issus de la population que nous visions, c’est à dire les enfants et parents du quartier, avec même un groupe d’ « habitué.e.s ». Mais nous avons aussi accueilli des touristes qui s’arrêtaient entre deux visites et des enfants venus d’autres quartiers, de Carouge et d’autres communes.

Mais bien sûr, il y aurait des choses à renforcer. Par exemple, il faudrait améliorer l’infrastructure en ajoutant des plantes et de la verdure. Nous devons aussi communiquer plus et mieux pour être plus visible et installer le projet dans la durée et le paysage genevois. Si nous voulons rester à Plainpalais, c’est aussi pour cela : pour que la Place aux Enfants soit identifiée à la plaine. Pour cela, il faudrait que nous fassions un affichage dans le quartier, une information dans les écoles avant les vacances, etc.

Et du côté des partenariats ?

Cette première édition a montré la pertinence du projet. Ce bilan devrait nous permettre de renforcer les partenariats, en particulier avec la Ville de Genève. Nous pensons aussi à des acteurs comme l’Hépia et Urbanature pour repenser l’architecture et l’aménagement paysagers du terrain d’aventures éphémère…

A suivre pour une deuxième édition en 2020 ?

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Le Collectif InteRob et l’accueil libre en bref

InteRob regroupe une dizaine de lieux qui pratiquent l’accueil libre pour les enfants sur les cantons de Genève et Vaud. Ces lieux sont rattachés à la Fondation genevoise pour l’animation socioculturelle (FASe) et à la Fondation pour l’animation socioculturelle lausannoise (FASL).

« L’accueil libre est une forme d’accueil qui se déroule dans un cadre défini et modulable, dont les professionnels sont les garants, et dans lequel les enfants et (ou) adolescents peuvent venir faire l’expérience de la liberté. Ces derniers ont la possibilité de s’approprier leur temps libre. Ils peuvent en effet choisir à quel moment ils arrivent, quand ils repartent, ce qu’ils vont faire, avec qui et comment. […]

L’accueil libre permet l’apprentissage de la vie en collectivité. »

(Extrait de L’Accueil Libre en Terrains d’Aventures et Jardins Robinson – Une pratique à (re)découvrir)

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